Interview

Raouraoua : "Je n’ai pas quitté l’Algérie dans les moments difficiles et ce n’est pas maintenant que je partirai, h’na imout Kaci !"

«Le domino n’est pas fermé, celui qui veut se porter candidat à la FAF n’a qu’à se présenter»

Auteur : mardi 22 novembre 2016 20:45

C’est au centre de préparation des Equipes nationales à Sidi Moussa que le président de la fédération, Mohamed Raouraoua, nous a parlé à cœur ouvert et en toute franchise de l’actualité qui entoure le football algérien, la sélection mais aussi sa gestion depuis qu’il est élu à la tête de la FAF. Raouraoua a répondu à ceux qui le descendent en flammes depuis des mois, surtout après les changements opérés à la tête du staff technique de la sélection et les deux contre-performances face au Cameroun et le Nigeria, pour le compte de la qualification à la Coupe du monde 2018. Mohamed Raouraoua a dit tout ce qu’il avait sur le cœur, rappelant une nouvelle fois que depuis qu’il a pris en main la FAF, cette instance est passée à une autre étape, celle du professionnalisme, du moment que la FAF est une instance autonome, financièrement parlant. Le président de la FAF nous livre ses impressions lors de cette première partie…
Tout d’abord, merci de nous accueillir au centre de Sidi Moussa. Que pouvez-vous nous dire sur cette photo qui se trouve sous nos yeux où l’on voit la régénération de 2010 qui s’est qualifiée au Mondial, après plusieurs années d’absences ? 
Cette équipe est celle qui a fait sortir l’Algérie d’une longue absence sur la scène internationale. Ça faisait plus de 20 ans que l’Algérie n’avait pas participé à une Coupe du monde. On se qualifiait même difficilement aux Coupes d’Afrique. Parfois, on revenait avec 1 point seulement voire 0 point de la CAN. Cette équipe s’est construite rapidement. Le staff technique en place avait réalisé un gros travail, à sa tête l’entraîneur Rabah Saâdane. Tout l’encadrement technique et médical était à la hauteur. Et c’est à partir de là que cette équipe a commencé son ascension, malgré le peu de moyens qu’il y avait à l’époque. Nous nous sommes qualifiés en Angola en Coupe d’Afrique où nous sommes arrivés en demi-finale. Par la suite, on se rappelle de cette date du 18 novembre car on s’est qualifiés au Mondial lors du match barrage face à nos frères eégyptiens. On s’est qualifiés dans des conditions difficiles mais cela fait partie du passé maintenant. Je dirais qu’on est parvenus à surpasser ces moments difficiles grâce à la bonne gestion au sein de la Fédération, au gros travail effectué par le staff mais surtout à l’aide de l’Etat et du président Abdelaziz Bouteflika qui a mis les gros moyens pour se qualifier au Mondial, en prenant en charge le déplacement de milliers de supporters algériens. 
Quand vous êtes-vous mis dans la tête que l’Algérie allait se qualifier pour le mondial ? 
J’étais convaincu que nous allions nous qualifier, après notre victoire face à l’Égypte à Blida sur le score de 3 buts à 1 et notre succès en déplacement face à la Zambie 2 à 0. 
Avant le fameux match Algérie-Égypte, la sélection avait effectué un stage dans les plus grands centres de préparation en Italie. Et même s’il y avait plus de 10 joueurs blessés, le sélectionneur Rabah Saâdane, le staff, les joueurs et les dirigeants étaient tous convaincus que l’Algérie allait se qualifier. D’où vous était venue cette conviction ? 
Tout d’abord, en parlant du centre de préparation des Equipes nationales en Italie, l’idée du centre de Sidi Moussa est venue de là. L’aide du président Abdelaziz Bouteflika était importante car il a ordonné la construction de ce centre. Pour revenir à votre question, on avait effectivement plusieurs blessés mais nous avons fait appel aux plus grands professeurs pour remettre les joueurs sur pied. Mais il est vrai que la grande volonté de tout le monde nous a conduits à cette qualification au Mondial. Certes, on a perdu 2 à 0 en Egypte mais on s’est rachetés au Soudan. Mais je dirais que c’est à partir de là que le football algérien a commencé à revenir sur la scène internationale. Et récemment, le Bureau fédéral a pris la décision de relancer la sélection des locaux, afin de participer aux éliminatoires du CHAN-2018 au Kenya. À travers cette démarche, on veut élever le niveau des joueurs locaux. N’oublions pas que Djabou, Soudani, Zemmamouche et Slimani ont brillé lors de cette compétition. On veut élever le niveau du joueur local. 
Que gardez-vous de cette qualification historique au Mondial- 2010 ? 
Je ne vous cache pas que j’ai toujours des frissons, en repensant à ces images. Tout ce peuple qui était sorti pour nous accueillir à notre retour du Soudan. C’était vraiment fabuleux. Je remercie le président Bouteflika qui nous avait accueillis à notre retour. 
Comment saviez-vous que l’Algérie allait jouer ce match barrage au Soudan ? 
C’est une longue histoire mais en résumé, je dirais que nous ne sommes pas tombés d’accord avec le président de la Fédération égyptienne de football sur le lieu du déroulement du match barrage. Il a souhaité l’Afrique du Sud, puis le Ghana mais on a refusé. Il a proposé aussi les Emirats puis Chypre. Lorsqu’il a proposé Chypre, nous avions proposé Marseille. Par la suite, la FIFA a demandé à ce que chaque fédération choisisse une capitale. L’Égypte a opté pour Khartoum et nous pour Tunis. C’est à partir de là que nous avons pris nos devants en préparant le terrain dans les deux villes. La suite de l’histoire, tout le monde la connaît puisque le tirage au sort a été pour le Soudan. Je remercie les responsables de la Fédération soudanaise de football et le président du Soudan aussi qui nous a facilité la tâche. 
Avec du recul, y a-t-il une chose ou une décision prise à cette époque que vous regrettez ? 
Non, pas spécialement. Je regrette seulement que nous pouvions faire mieux au Mondial d’Afrique du Sud. Je reste convaincu qu’on avait une chance de passer au second tour car on a perdu 2 matchs par 1 but à 0. Notre meilleur match, c’était face à l’Angleterre. La presse anglaise avait misé pour une large victoire de l’Angleterre par 3 ou 4 à 0 mais on a fait une bonne rencontre. D’ailleurs, même le prince d’Angleterre nous a déclaré que sa sélection allait nous battre mais il nous a félicités en toute sportivité à la fin de la rencontre. L’ancien président des USA, Bill Clinton, nous a lui aussi félicités, après notre rencontre face aux États Unis. 
Peut-on vivre, à votre avis, une nouvelle aventure comme celle d’Oum Dorman ? 
Tout est possible dans le football. On ne peut jamais prévoir l’avenir. Le plus important est d’être présent dans un grand nombre de compétitions. En plus de la Coupe du monde, n’oublions pas aussi qu’il y a la Coupe d’Afrique des nations. Contrairement à ce que racontent certains sur les plateaux de télé, les gens ont un avis différent de la sélection. D’ailleurs, je profite de cette occasion pour dire à cette minorité de personnes qu’on s’en fiche royalement de ce qu’ils disent. 
Mais vous n’êtes pas contre les critiques... 
Je ne suis pas contre les critiques objectives. Lorsque je critique, je le fais avec une grande objectivité. On ne peut pas être toujours en haut. On peut parfois se retrouver en bas et cela fait partie du football. Lorsqu’on critique, on doit être objectif et on ne règle pas ses comptes avec quelqu’un de cette manière. Il y a des personnes qui me critiquent alors que je ne les connais même pas. Ils n’ont d’ailleurs aucun lien avec le monde du football. Il y a d’ailleurs un député qui a demandé à ce que le ministre fasse une enquête sur moi au sujet de l’argent dépensé par la Fédération. C’est son droit de poser la question mais qu’il déclare cela sur un plateau télé. Et de cette manière, je me pose vraiment des questions. Je tiens à lui dire qu’il ne connaît pas la Fédération algérienne de football. La Fédération a ses moyens de contrôle. Il y a des commissaires aux comptes indépendants qui suivent les dépenses de la FAF. Il y a même des contrôleurs de la FIFA qui font des enquêtes pour voir où est dépensé cet argent. Je tiens à dire une chose importante aussi... 
Laquelle ? 
On gère la Fédération comme une très grande entreprise. On fait aussi nos assemblées et on dévoile les bilans moral et financier suivant les dates prévues. Ils sont d’ailleurs rendus publics sur le site officiel de la FAF. C’est pour vous dire que nous n’avons rien à cacher. Je tiens à dire une nouvelle fois que cette personne est en mesure de poser la question au ministre mais il n’a pas le droit de faire de la FAF un sujet de campagne. Même le règlement lui interdit de s’immiscer dans les affaires de la FAF car cela risque de conduire à une affaire qui nous dépasse.
Toujours dans ce même contexte, certains aimeraient comprendre comment la FAF peut-elle être indépendante financièrement face aux grosses dépenses ? 
Avant de parler de gestion, je voudrais revenir à 2001 lors de la campagne électorale faite pour  la présidence de la FAF. J’avais déclaré qu’il est important que la FAF devienne indépendante financièrement dans un délai de 10 ans au maximum. Aujourd’hui, on gère la fédération comme n’importe quelle entreprise. L’Etat ne peut pas suffire au fonctionnement d’une Fédération comme la nôtre. D’ailleurs, l’Etat vient d’imposer une loi, celle de l’autonomie des fédérations. C’est très important et les gens doivent le savoir. A l’époque, l’Etat nous accordait une aide de 35 milliards, suite à une décision du président de la République. Mais depuis 2009, nous n’avons pas utilisé cette aide de l’Etat car nous avons d’autres rentrées d’argent, à savoir du marketing, du sponsoring et des droits télé. On reçoit aussi l’aide de la FIFA. Ici même, au centre de Sidi Moussa, la FIFA a pris en charge beaucoup de projets. De plus, nous avons des rentrées d’argent lorsqu’on participe au Mondial et à la CAN. 
Et pour ce qui est du contrôle des dépenses ? 
Sur ce point, je tiens à être très clair. Le contrôle est très strict et rigoureux. Nous avons même rendu la subvention de 35 milliards à l’Etat et qui a été utilisée ailleurs. On essaye même d’aider les autres fédérations par des équipements. 
C’est-à-dire que le ministère n’est plus en mesure d’avoir un droit de regard sur la gestion de la FAF… 
Bien au contraire. Nous n’avons aucun problème avec le ministère. On accepte qu’on soit contrôlé. Au contraire, j’aimerais qu’il y ait un contrôle strict au niveau de la FAF. La porte est ouverte aux contrôleurs sans aucun souci. En plus de cela, il y a quelques jours, nous avons préparé un budget que nous avons déposé au niveau de l’emprunt obligataire. Nous avons déposé au total 450 milliards de centimes. Cet argent était destiné pour la construction de l’hôtel Sheraton au niveau de Dély Ibrahim. La FIFA a même pris en charge l’étude du dossier. On doit donc construire d’autres infrastructures qui permettront à la fédération d’avoir des sources de financement pour l’avenir. 
On a entendu dire que vous étiez sur le point d’annoncer au Bureau fédéral votre démission juste après la CAN, afin de partir au Qatar où on vous aurait proposé un pont d’or pour assurer l’organisation de la Coupe du monde 2022. Qu’en est-il ? 
Tout ce qui a été dit à ce sujet est faux. Je n’ai jamais songé à la démission, ni après le nul face au Cameroun ni après la défaite contre le Nigeria. Les membres du Bureau fédéral et moi faisons notre travail convenablement. Nous sommes toujours élus et nous irons jusqu’à la fin de notre mandat. Pour ce qui est de cette histoire de quitter le pays, ça n’a aucun sens. Je n’ai pas quitté le pays dans les moments difficiles et ce n’est pas aujourd’hui que je vais le faire. C’est le pays de mes enfants et de mes petits-enfants et je n’irai nulle part, h’na imout Kaci. Comme l’a toujours dit notre président de la République, nous n’avons pas d’autre patrie. Et ceux qui parlent de ma retraite, je leur dis que je suis en retraite depuis 47 ans. Je n’ai pas l’intention de quitter mon pays et je le servirai jusqu’au dernier souffle. 
Qu’en est-il de l’avenir de la FAF ? Pensez-vous à passer le flambeau ? 
Cela fait un bon moment que je pense à l’avenir. Je sais qu’il viendra le jour où d’autres personnes vont venir à ma place. Il est de mon devoir même de le faire. Il y a des jeunes qui sont en train de se former et j’espère qu’un jour ils seront à ma place. Mais les gens doivent savoir que nous sommes des bénévoles. Nous, nous n’avons pas de cachet comme certains qui vont sur des plateaux télé pour critiquer à tort et à travers. Ceux-là critiquent pour justifier leur salaire. Bien évidemment, je fais allusion à certains d’entre eux seulement. Et ce n’est pas seulement au niveau de la fédération, mais au niveau des 60 Ligues du pays. Ces gens travaillent gratuitement et méritent le plus grand respect qui soit. D’ailleurs, il est interdit que les élus soient rémunérés. Lorsque je me déplace à l’étranger pour servir la fédération, je ne prends jamais de frais de mission, que ce soit moi ou les autres membres du Bureau fédéral. Pourtant, nous avons le droit de le faire lorsque nous sommes en mission. 
Certains disent que Raouraoua est le genre de président qui croit que sa gestion est parfaite. Est-ce vrai ? 
 Non, absolument pas. Nul n’est parfait. On a toujours des lacunes. Lorsqu’on prend 100 décisions et qu’on se trompe sur 5, je pense que c’est légitime. 
Percevez-vous de l’ingratitude à votre endroit ? 
Moi, je m’en fiche de ce que disent certains à mon sujet. Ça rentre d’une oreille et ça sort de l’autre. Par contre, ce qui me rend de mauvaise humeur, c’est cette critique envers les gens qui travaillent, que ce soit au niveau de la fédération ou autre même envers les hommes politiques, les hommes de culture, les responsables économiques qui font correctement leur travail. C’est devenu un trait de caractère dans notre société, particulièrement dans le sport. Maintenant, ces gens qui ne font que parler, qu’ils rentrent au niveau des Ligues, des Fédérations, au Comité olympique et qu’ils nous montrent ce qu’ils savent faire. 
Seriez-vous prêt à céder votre place aux élections de mars prochain ? 
La porte est ouverte à chaque candidat capable de faire mieux que moi. Nous sommes une Fédération et je ne barrerai la route à personne. Je suis même prêt à les aider dans leur campagne électorale. 
Revenons à la gestion de la Fédération. Certains vous accusent d’être le président de la sélection algérienne et non de la Fédération, au moment où l’on sait que notre football est entaché de pas mal d’affaires, à savoir la drogue, la violence, les erreurs d’arbitrage, mais surtout la question du professionnalisme…  
Premièrement, je suis le président de la Fédération algérienne de football et non pas seulement de la sélection première. J’estime toutefois que l’Equipe nationale est la locomotive de notre football. Revenons au football national, nous avons imposé le professionnalisme, malgré le refus des clubs. On se devait de se mettre à la page. On vient d’accorder 4 licences supplémentaires aux clubs participants à des compétitions continentales. Si un club n’était pas professionnel, il n’aurait pas eu droit à une participation continentale. Pour revenir au club, nous n’avons pas le droit de nous mêler de la gestion de ces clubs car ils sont passés au professionnalisme. Le changement des présidents se fait dans les clubs. On essaye maintenant d’apporter des orientations, comme la question des assurances des joueurs. En collaboration avec les instances concernées, y compris le ministère, nous nous sommes arrangés pour que les joueurs payent les cotisations chaque mois. Ils pourront ainsi bénéficier d’une retraite. Il y a aussi d’autres questions importantes… 
Lesquelles ? 
Comme la formation des entraîneurs. Jusque-là, la Fédération a formé plus de 6000 entraîneurs. L’Etat nous a permis de revenir à la formation fédérale et, depuis, nous en sommes à plus de 2000 entraîneurs par an. On a même organisé des formations pour les entraîneurs des gardiens de but. Idem pour les préparateurs physiques. Tout cela concerne le football algérien, pas seulement la sélection nationale.

Publié dans : raouraoua equipe d'Algérie

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