Nostalgie

Dalglish, roi d'Écosse et de Liverpool

De tous les footballeurs que j'ai côtoyés pendant près de quarante ans, que ce soit en tant que joueur, entraîneur ou manager, il était le plus talentueux. Bob Paisley, ancien coéquipier de Kenny Dalglish à Liverpool

Auteur : mardi 21 octobre 2014 17:40

En 1966, 11 ans avant de faire de lui le plus gros transfert britannique de son époque, Liverpool met à l'essai un certain Kenny Dalglish. Le futur King Kenny n'est alors qu'un jeune adolescent de 15 ans un peu enveloppé. Parti après quelques jours, l'Écossais connaît son unique moment de gloire lorsque le grand Bill Shankly le dépose en voiture à son hôtel.  

Le célèbre entraîneur des Reds ne tarde pas à oublier le jeune homme. Quelques années plus tard, Dalglish commence à terroriser les défenses adverses sous les couleurs du Celtic. En apprenant que le prodige écossais lui est passé sous le nez, Shankly pique une colère noire. Le technicien refuse de croire qu'il a pu commettre une telle erreur et exige même une enquête interne pour découvrir le nom du responsable de ce fiasco.

Les regrets laissent petit à petit place à l'amertume. En 1972, Shankly se rend à Derby pour assister à un match U-23 entre l'Angleterre et l'Écosse. Ian Ross, un Écossais de Liverpool, lui demande ce qu'il a pensé de la prestation de Dalglish. "Ne me parle pas de lui", répond sèchement l'entraîneur. "On n'a vu que lui sur le terrain. Bon sang, quel joueur !"  

Les supporters de Liverpool devront patienter encore cinq ans avant de voir le prodige écossais endosser leur maillot fétiche. Entretemps, Shankly a laissé sa place sur le banc à Bob Paisley, qui doit débourser 440 000 livres pour s'attacher les services de la star. En apprenant la nouvelle, Shanks ne peut s'empêcher de donner son avis… et de railler le manque de discernement des dirigeants du Celtic. "C'est l'histoire la plus incroyable que j'ai jamais entendue. Personnellement, j'aurais préféré abandonner complètement le football plutôt que de vendre un joueur aussi talentueux."

Supporter des Rangers
Shankly s'est rendu compte trop tard de la valeur de ce footballeur d'exception mais il n'est cependant pas le seul responsable de l'échec du premier passage de l'Écossais à Liverpool. Les éducateurs lui avaient en effet proposé de prolonger son essai mais l'intéressé a refusé. À l'époque, le jeune homme s'était défilé en prétextant vouloir rentrer chez lui avant un autre essai à West Ham. "En fait, les Rangers jouaient contre le Celtic à Ibrox ce soir-là", avouera plus tard Dalglish. "J'ai pris le train à Lime Street et j'ai filé directement au stade."

Dalglish est alors un inconditionnel des Rangers. La fenêtre de sa chambre donne sur le terrain d'entraînement d'Ibrox. Si son club fétiche s'était manifesté, sans doute aurait-il repoussé sans hésiter les avances de Liverpool, de West Ham ou de n'importe quelle autre équipe. Mais lorsque le destin frappe à sa porte un beau jour de mai 1967, l'homme qu'il trouve en face de lui n'est autre que Sean Fallon, l'entraîneur adjoint de l'ennemi juré des Rangers.     

Fallon s'apprête à partir en vacances à la mer avec sa femme et ses trois enfants pour fêter son anniversaire de mariage lorsqu'il passe devant l'appartement des Dalglish. Il s'arrête et promet à sa famille de ne pas être long. Trois heures plus tard, il ressort. Comme il s'y attendait, l'accueil a été frileux mais le jeune Kenny a fini par se laisser convaincre.  

Le chef de famille est lui aussi un supporter des Rangers mais Dalglish père a suffisamment de bon sens pour comprendre que le Celtic offre à son fils des conditions exceptionnelles. Deux semaines plus tard, les Bhoys confirment leur hégémonie continentale en remportant la Coupe d'Europe des Clubs Champions. Finalement, Kenny connaît son seul moment de doute lorsque sa mère décide de faire visiter la maison à Fallon. "J'ai paniqué", se souvient l'Écossais. "Le mur de ma chambre était couvert de posters des Rangers et l'entraîneur adjoint du Celtic était sur le point d'entrer. Heureusement, j'ai réussi à les retirer à temps."

Il y a pourtant fort à parier que le visiteur n'aurait pas émis la moindre remarque. Le fait d'enlever l'un des joueurs les plus talentueux du pays au nez et à la barbe du grand rival local est plutôt de nature à amuser les supporters du Celtic. Le jeune homme doit cependant patienter quelques années avant de s'imposer au sein d'une équipe qui, à l'époque, compte parmi l'élite européenne. En 1971, trois ans après ses débuts, Dalglish attend toujours son premier but.

Le jeune homme va profiter d'un Old Firm à Ibrox pour montrer au monde de quel bois il se chauffe. Les Bhoys obtiennent un penalty, que Dalglish se charge lui-même de tirer. À la grande fureur des fans des Rangers, il prend le temps de refaire tranquillement ses lacets, avant de glisser le ballon au fond des filets. Ce but sera le premier d'une longue série de 167 sous le maillot vert et blanc.  

Nouveau défi
En 1977, l'international écossais a depuis longtemps renoncé à sa passion pour les Rangers. Toutefois, le Celtic se trouve alors en perte de vitesse et Dalglish est à la recherche d'un nouveau défi. De son côté, Liverpool cherche un nouvel attaquant, après le départ de Kevin Keegan à Hambourg. Toutes les conditions sont réunies pour que débute l'une des plus grandes histoires d'amour du football anglais. La perspective de succéder à Keegan sous le dossard numéro 7 en aurait effrayé plus d'un mais avant de partir, l'idole d'Anfield se risque à une audacieuse prophétie : "Kenny sera peut-être un meilleur joueur pour Liverpool que je ne l'ai jamais été".

L'équipe de Bob Paisley vient tout juste d'être sacrée championne d'Europe mais Dalglish lui apporte une dimension supplémentaire par sa puissance, la finesse de son toucher de balle et son intelligence. La transition entre l'Écosse et l'Angleterre se fait sans heurts : il ne lui faut que sept minutes pour débloquer son compteur contre Middlesbrough, à Ayresome Park. Pour sa première apparition devant le Kop, Dalglish remet le couvert. Sa première saison chez les Reds débute sous les meilleurs auspices mais la fin est encore plus incroyable. En finale de la Coupe d'Europe des Clubs Champions, l'Écossais inscrit le but de la victoire d'une superbe frappe piquée face au Club Bruges.

La saison suivante, Dalglish est élu Joueur de l'année par les journalistes spécialisés. En 1983, il remporte ce titre honorifique pour la deuxième fois. Il est alors considéré comme le meilleur footballeur britannique et peut-être le plus grand attaquant écossais de tous les temps. Son palmarès s'enrichit de deux autres Coupes d'Europe et son association avec Ian Rush se révèle des plus fructueuses. "Tout ce que j'avais à faire, c'était de prendre la profondeur et le ballon m'arrivait dans les pieds comme par magie", raconte le Gallois.

Grâce aux passes inspirées de Dalglish, Rush ne tarde pas à devenir le meilleur buteur de l'histoire de Liverpool. Avec 172 réalisations en 13 ans, l'Écossais ne se contente pourtant pas d'un rôle de faire-valoir. Son prestige auprès des supporters est tel qu'à 34 ans, les dirigeants lui proposent de remplacer Joe Fagan au poste d'entraîneur. Sa première saison s'achève sur un doublé coupe-championnat. Son parcours de technicien est jalonné de nombreux autres titres, à Liverpool et à Blackburn, mais les amateurs de football anglais se souviendront surtout de ce sourire éclatant qui s'épanouissait sur son visage à chacun de ses buts.

Balle au pied, Dalglish a remporté dix championnats, trois Coupes d'Europe des Clubs Champions et amassé 102 sélections en équipe d'Écosse, ce qui constitue un record. En 2009, le magazine FourFourTwo l'a désigné comme le meilleur attaquant britannique de l'après-guerre. Trois ans auparavant, les supporters de Liverpool avaient été consultés pour composer la liste des 100 plus grands joueurs de l'histoire du club. Dalglish s'était naturellement imposé en première place.

Le mot de la fin revient évidemment à Paisley, figure emblématique des Reds au cours de l'une des périodes les plus fastes de leur histoire : "De tous les footballeurs que j'ai côtoyés pendant près de 40 ans, que ce soit en tant que joueur, entraîneur ou manager, Dalglish était le plus talentueux".

 

                                                                                  IN FIFA.com

Publié dans : liverpool Dalglish

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