Auteur :
Adel Cheraki
jeudi 22 mai 2014 20:22
Le rendez-vous a été pris depuis quelques jours, mais ce n’est qu’hier matin qu’il a eu lieu. C’est à l’hôtel Dar Diaf, le lieu de mise au vert des Rouge et Noir, qu’Hubert Velud nous a chaleureusement accueillis pour nous accorder une interview dans laquelle il a abordé, pour la première fois, plusieurs sujets. Le miraculé de Cabinda nous a fait plusieurs révélations qu’on vous laisse le soin de découvrir dans cet entretien.
On remonte jusqu’au mois de novembre, Roland Courbis quitte le club après avoir remporté une Coupe d’Algérie face au MCA et la Coupe arabe. A cette période-là, n’avez-vous pas eu peur de lui succéder, surtout que l’équipe était au bord de la crise ?
Si, beaucoup même ! Je m’attendais à quelque chose de difficile. Ça n’a pas été facile d’arriver en cours de saison, surtout qu’il y avait une petite tension par rapport aux résultats. C’est vrai que je n’étais qu’en observateur à Oran, mais battre le MCO nous a beaucoup aidés. Ensuite, il y a eu ce stage que nous avons effectué en Tunisie et la victoire que nous venions de décrocher nous a énormément aidés à surpasser cette période.
Qu’est-ce qui vous a encouragé à rejoindre le club, alors qu’il venait de réaliser un début de saison moyen ?
Le projet global de l’USMA. Déjà l’Algérie est un pays que j’apprécie énormément pour des tas de choses et non pas uniquement pour des raisons sportives. Entraîner le club le mieux structuré, le plus sérieux du pays a pesé dans mes choix. Ce fut important pour moi d’entraîner ce club que ce soit sur le plan professionnel ou personnel.
Vous avez su gérer avec brio l’un des effectifs les plus riches du championnat, quel est le secret de cette réussite ?
Disons juste que j’ai pu débloquer quelques joueurs psychologiquement. Avec mon staff, nous avons fait en sorte d’impliquer tout le monde. Moi, je n’ai jamais raisonné en terme d’équipe type. Nous avons instauré une rigueur et une discipline au sein du groupe, et c’est ce qui est ma plus grosse fierté.
Vous vous définissez dans quel genre, un entraîneur strict ou un technicien proche de ses joueurs ?
Moi, je suis unique (rire). Je vais vous raconter une anecdote. Un dirigeant algérien qui était en visite en France a rencontré des gens de l’UNECATEF pour leur demander de lui conseiller un technicien français pour un club algérien disposant de la même personnalité qu’Hubert Velud et ils lui ont répondu que Velud, il y en a qu’un seul ! Voilà, j’ai mon propre style et ça me va.
A quelle période vous vous êtes dit que le titre ne peut pas vous filer des mains ?
Ce n’est qu’après avoir battu le CRB Aïn Fekroun chez lui puis le MCO. A vrai dire, j’avais peur que la trêve du mois d’avril nous déstabilise, mais heureusement que nous avons su la gérer et que tout s’est super bien passé pour nous.
L’USMA a battu un record en dépassant les 67 points, qu’est-ce que cela représente pour vous ?
C’est vrai que c’est exceptionnel, mais le plus important est le titre. Ça prouve aussi que nous l’avons mérité.
Vous êtes le premier technicien étranger à avoir gagné ce titre deux fois de suite…
El Hamdoullah ! Être le premier, c’est merveilleux, mais je ne prends pas la réussite pour moi tout seul, parce que dans le football moderne, un entraîneur ne fait pas seul la différence. C’est toute une structure et je n’en suis qu’un élément. Je suis en première ligne et c’est moi qui prends certaines responsabilités, mais je tiens à rendre hommage à mes assistants et les membres de notre staff médical, le meilleur en Algérie, pour le bon travail accompli.
Vous avez coaché l’ES Sétif. Quelle est la différence entre ce club et l’USMA ?
Chaque club a ses spécificités. A l’Entente, il y a un management spécial, vous n’avez qu’à voir le parcours remarquable qu’ils ont réalisé, malgré les difficultés qu’ils ont eues.
Cette consécration est-elle une petite revanche sur le sort après avoir été contraint de quitter ce club ?
Non, pas du tout ! Moi je ne suis pas quelqu’un de revanchard, ni de rancunier. Je n’ai retenu que les bons moments passés là-bas.
Un nom d’un technicien étranger a été cité comme soi-disant votre probable successeur, cette histoire vous a, semble-t-il, agacé. Le confirmez-vous ?
Non, ça ne m’a pas perturbé, d’autant plus que les responsables du club m’ont expliqué, à ce moment-là, ce qui se passait. J’ai toujours été serein.
En parallèle, votre nom a été annoncé du côté de la sélection togolaise. Pourquoi vous avez déposé votre candidature ?
A un certain moment, il fallait bien que je fasse un choix. Soit un bon projet en club visant la Ligue des champions ou prendre en main une sélection avec une CAN au bout, au final, j’ai tranché, et à présent, tout est clair. Il fallait que je fasse le choix, maintenant c’est fait. Pas de regret et sans aucune arrière-pensée.
Il était difficile ce choix…
Non, pas trop, du moment que je venais d’avoir des assurances de la part du président.
Les événements de Cabinda (le bus transportant la délégation togolaise a été mitraillé au Nigeria en 2012, ndlr) ont-ils pesé dans votre choix ?
Pas du tout ! Ça n’a rien à voir. Tout le monde a été traumatisé. Il y a eu des morts dans le bus. Arriver à ce stade, le traumatisme n’a rien à voir avec le foot, c’est beaucoup plus sur le plan humain. Le traumatisme a été profond, mais El Hamdoullah, j’ai fait mon deuil et j’ai fini par passer le cap. Aujourd’hui, je suis prêt à revenir en Afrique.
… mais pas pour revivre les mêmes incidents…
Ah non ! Retourner en Afrique oui, mais pas pour revivre de telles scènes.
La victoire décrochée par l’ESS à Radès face à l’ES Tunis est-elle le fruit de votre travail ?
(Il éclate de rire) Non, même si c’est moi qui a formé Madoui. Sérieusement, c’est un bel exploit. Les joueurs de cette équipe nous ont montré la voie, ça fait plaisir. En tout cas, je ne suis pas étonné, parce que l’ESS a énormément de potentiel.
Vous avez donné votre accord pour renouveler votre contrat, à présent, nous aimerons savoir quel compartiment comptez-vous renforcer cet été ?
Il y aura des recrues dans toutes les lignes. Nous espérons qu’ils soient des renforts de plus-value.
Combien de recrues comptez-vous réaliser ?
C’est difficile de le dire dès maintenant. Quatre ou cinq peut-être.
Peut-on s’attendre à l’arrivée d’un joueur étranger ?
Oui, mais en même temps, il y a plusieurs possibilités.
Et concernant les joueurs en fin de contrat et ceux que vous comptiez libérer…
J’ai ma petite idée. Jusqu’au moment où je vous parle, c’est informel. Je dois d’abord m’entretenir avec les dirigeants. Ce n’est que lors des prochaines heures que tout sera plus clair.
Votre équipe pourra-t-elle jouer sur les trois fronts la saison prochaine ?
Jouer sur les trois fronts serait gérable, j’espère qu’il n’y aura pas une quatrième compétition, parce que là notre tâche sera plus compliquée. Ce qui m’effraie le plus par contre, c’est que mon équipe sera attendue. Nous allons continuer à conquérir l’Algérie, ça sera un nouveau challenge. Il y a aussi une CAN et ça sera très compliqué à l’automne. Il y aura quatre matchs en octobre et novembre, s’il y a des joueurs de l’USMA concernés par les éliminatoires, ça sera lourd pour nous à gérer.
Aoudia est désormais libre de tout engagement, l’USMA va-t-elle passer à l’action pour l’enrôler ?
Je vais mettre le point avec lui et prendre de ses nouvelles sur son état de santé, ensuite, on verra si nous enchaînons sur le reste (sourire).
Quelle sera la durée de votre nouveau contrat ?
En principe, une année.
On passe à la sélection, qu’en pensez-vous du groupe des Verts ?
Ça va être tres difficile, mais je pense qu’il faut optimiser. Ils doivent jouer à fond leurs chances lors du premier match. S’il y aura un exploit face aux Belges, tout restera possible pour la suite.
Si vous étiez à la place de Halilhodzic, auriez-vous pris des joueurs locaux dans le groupe des 23 ?
Peut-être qu’il a ses arguments, mais pour moi, une sélection ça ne doit pas être forcément les 23 meilleurs algériens. C’est la complémentarité d’un groupe qui fait sa force. Il faut des joueurs à statuts. Des titulaires, mais aussi des éléments prêts à être des remplaçants. Ceux qui accepteront d’être remplaçants vont être d’un apport positif, même sur le banc. Est-ce qu’il a pris en considération cela, je ne sais pas. Ce que je sais en revanche, c’est qu’un garçon comme Ferhat ou encore Khoualed seraient mis à la disposition du groupe même s’ils n’allaient pas jouer beaucoup. C’est là où je suis gêné. Je ne crois pas que certains européens soient au même état d’esprits que les locaux s’ils ne jouent pas.
Halilhodzic a instauré un black-out, pensez-vous que c’est la meilleure manière pour que les joueurs restent concentrés sur leur sujet ?
Je ne crois pas du tout à ça ! Déjà je n’ai pas encore décelé l’objectif sportif, technique et tactique de prendre cinq joueurs pendant une semaine en stage et de les faire courir comme dans un centre de formation. A quoi ça sert ?
Et en ce qui concerne l’Equipe de France ?
J’apprécie énormément le travail de Didier Deschamps. Il a remis beaucoup de discipline dans le groupe. Nous revenons de loin après les incidents qui se sont produits lors de la Coupe du monde disputée en Afrique du Sud. La France s’est qualifiée difficilement aussi, donc aujourd’hui, ça ne sera que du bonus.
Le cas Nasri a fait jaser, qu’en pensez-vous de cette décision qui a été prise de le priver du Mondial brésilien ?
Nasri a eu du mal à rentrer dans le collectif, il a du mal à accepter certains choix du coach et c’est comme ça. Jacquets s’est fait descendre en flammes par vos collègues français lorsqu’il s’est passé des services de Cantona et Ginola, pourtant il a pu aller au bout et gagner la Coupe du monde. Le groupe est plus important que les individualités.
Christian Gourcuff est bien parti pour être le successeur d’Halilhodzic, le connaissez-vous ?
Oui, tres bien même.
Pensez-vous qu’il sera l’homme de la situation ?
C’est quelqu’un de tres compétent. Il a une vision du football très intéressante. Maintenant, ce que je crains, c’est qu’il soit pris par le temps, vu qu’il n’en dispose pas d’assez pour mettre en place son plan. Il faut être patient, mais l’Equipe nationale n’a pas beaucoup de temps, puisque juste après le Mondial, il y a les éliminatoires de la CAN.
Une dernière question, qu’en pensez-vous du groupe de l’EN pour les éliminatoires de la CAN-2015 ?
Ce n’est pas gagné d’avance. Penser que ça va être facile d’arracher un billet pour la prochaine édition de la Coupe d’Afrique des nations sera une grosse erreur. Le Mali et le Benin, ce sont de bonnes équipes qui peuvent créer à l’Algérie des difficultés.
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