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dimanche 09 novembre 2014 18:59
Le jeune Paulo Roberto fait ses premiers pas à l'Internacional Porto Alegre en 1964, à l'occasion d'une journée de sélection. Le club organise un match et un entraîneur se charge d'observer les enfants pendant quelques minutes, à la recherche de nouveaux talents. Ce jour-là, ils étaient plus de 300 à tenter de retenir l'attention des recruteurs. La réponse tombe dans l'heure : c'est oui ou non. Soit le jeune garçon est invité à rejoindre les équipes de jeunes du club, soit il doit rentrer à la maison. Bien entendu, les élus sont rares.
Paulo Roberto, 11 ans, entre sur le terrain du vieux stade du Nacional de Porto Alegre en compagnie de quatre de ses partenaires de la Juventus de Canoas, son équipe habituelle. À mesure qu'ils sont recalés, les jeunes se laissent aller à la frustration. Au milieu de la confusion, Jofre Funchal, le responsable de la sélection, s'approche de Pedro, le grand frère de Paulo Roberto, et lui glisse : "L'Allemand est retenu".
"L'Allemand" en question n'est autre que Paulo Roberto Falcão. Au Brésil, ce terme désigne communément toute personne au teint ou aux cheveux clairs. Dans ce cas, l'expression aura pourtant valeur de présage. Cet événement marque en effet le début de la carrière de l'un des plus grands joueurs de l'histoire du football brésilien mais aussi d'un champion à part. Falcão n'a rien à envier à ses contemporains en termes de technique et de fantaisie mais il possède également une puissance et une rigueur peu communes. La tâche de ce grand tacticien ne consiste pas uniquement à délivrer des passes décisives. Falcão s'intéresse avant tout à la construction. Son influence se fait sentir au cœur du jeu, là où toutes les actions commencent, c'est-à-dire entre la défense et le milieu de terrain. Son style n'est pas sans rappeler celui d'un autre célèbre numéro 5, Franz Beckenbauer.
Du talent pour de grandes choses
Force est de constater que le rôle du numéro 5 a bien changé au fil des ans. Falcão est sans doute l'un des derniers représentants de cette lignée de milieux défensifs dont le rôle ne se résumait pas à marquer l'adversaire au plus près pour récupérer le ballon et le transmettre au coéquipier le plus proche. Les responsables de l'Internacional ne mettent pas longtemps à comprendre que Falcão possède le talent nécessaire pour accomplir de grandes choses. Les nombreux succès accumulés par le club du Rio Grande do Sul dans les années 70 vont justifier leur confiance.
Paulo Roberto Falcão restera à jamais le leader et le symbole de l'une des plus grandes générations de toute l'histoire du football brésilien. En six saisons passées au Colorado, de 1973 à 1979, il remporte le championnat Gaucho à cinq reprises. Dans le Brasileirão, l'Internacional ne termine qu'une seule fois hors du carré de tête, en 1974. L'Inter devient également le premier club à remporter par trois fois le championnat national, créé en 1971. Sacré en 1975 et 1976, le Colorado réussit la passe de trois en 1979. Il termine la saison invaincu, ce qu'aucune autre équipe n'a jamais réussi à faire par la suite.
À cette époque, Falcão est déjà célébré comme l'un des plus grands milieux de terrain brésilien de tous les temps. Un désaccord avec le sélectionneur Claudio Coutinho le prive malheureusement d'une participation à la Coupe du Monde de la FIFA 1978™. En 1979, Telê Santana avoue être resté bouche bée après avoir assisté à la victoire du Colorado devant l'Internacional de Limeira. Habituellement avare de compliments, Santana confie aux journalistes : "Aujourd'hui, j'ai vu un joueur atteindre la perfection. Falcão a gagné le match à lui tout seul".
Tristesse et consécration
Dans ces conditions, personne n'est surpris de voir le technicien brésilien faire de Falcão l'un de ses titulaires indiscutables au milieu de terrain, dès son arrivée aux commandes de la Seleção. Au sein d'une équipe construite pour faire tourner le ballon et imposer sa qualité technique à l'adversaire, le choix du numéro 5 s'impose de lui-même. La Coupe du Monde de la FIFA, Espagne 1982™ est l'occasion pour Falcão de laisser éclater son génie au plus haut niveau.
Ses performances inspirées lui valent d'être élu deuxième meilleur joueur du tournoi. Sa superbe frappe du gauche à l'entrée de la surface de réparation contre l'Italie restera sans doute comme l'un des plus grands moments de sa carrière. En permettant à son équipe de revenir à 2:2, Falcão croit propulser l'équipe la plus séduisante et la plus populaire du tournoi en demi-finale. Malheureusement, il était dit que ce Brésil-là ne connaîtrait pas la consécration. Avec le recul, il peut sembler paradoxal qu'une défaite marque le plus grand moment de la carrière d'un champion de ce calibre. Sept minutes plus tard, Paolo Rossi inscrit le troisième but de l'Italie et scelle la défaite du Brésil (3:2).
Aujourd'hui encore, la déception de Falcão est à la hauteur de l'émotion suscitée par ce but exceptionnel. "J'avais désespérément envie de gagner cette Coupe du Monde car j'avais été mis à l'écart en 1978 et je voulais prouver que j'avais l'étoffe d'un titulaire en sélection. C'est pour cette raison que j'étais si heureux après mon but. J'avais l'impression de jouer deux Coupes du Monde en même temps", explique Falcão. "À la fin du match, Bruno Conti m'a pris dans ses bras. Par respect, il ne m'a même pas proposé d'échanger nos maillots, comme nous en étions convenus avant le match. Il n'aurait pas été plus malheureux s'il avait perdu. Alors, j'ai ôté mon maillot, je le lui ai mis dans les mains et j'ai quitté le stade avec le maillot de l'équipe d'Italie, en hommage à mon ami et à ce pays qui m'avait si bien accueilli."
Le roi de Rome
En 1982, Falcão a déjà conquis depuis longtemps le cœur des supporters de l'AS Rome. Après deux décennies d'autarcie, la Serie A ouvre à nouveau ses portes aux footballeurs étrangers en 1980. Le Brésilien fait partie des premiers arrivants. Sous l'impulsion du mythique entraîneur suédois Nils Liedholm, il remporte la Coupe d'Italie dès sa première saison dans la capitale. Toutefois, Falcão se taille définitivement une place dans la légende du club giallorosso - et dans la jet-set italienne - au terme de la saison 1982/83, en offrant à la Roma son premier Scudetto depuis 41 ans. Ce jour-là, Falcão est officiellement devenu le "huitième roi de Rome".
Son règne se prolonge jusqu'au mois de décembre 1984. Il rejoint alors le troisième et dernier club de sa carrière, São Paulo. Il fait le nécessaire pour participer à la Coupe du Monde de la FIFA 1986™, même s'il doit se contenter d'un rôle de remplaçant. Son départ de Rome coïncide pratiquement avec celui de Liedholm. Par l'intermédiaire du masseur Victorio Baldorini, Falcão fait parvenir à son ancien mentor un maillot, accompagné d'un petit mot. "Je vous rends le maillot que vous m'avez donné à mon arrivée. Je ne le fais pas en personne car je sais que nos émotions risqueraient de prendre le dessus. Je voudrais que vous le conserviez en souvenir de notre amitié."
Les deux hommes ne reparleront jamais de cet épisode. Alors qu'il travaille comme consultant pendant la Coupe du Monde de la FIFA 1990™, Falcão croise Carletto Liedholm, le fils de Nils, et lui demande si son père a bien reçu le maillot. "Personne n'a le droit d'y toucher", s'entend-il répondre. "Il le traite comme une relique."
Mieux que quiconque, Nils Liedholm a compris que Paulo Roberto Falcão était un milieu de terrain défensif unique par son talent et son audace. Ce numéro 5 n'était décidément pas comme les autres.
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