Depuis une décennie, Mehdi Lacen s'est exilé en Espagne. Aujourd'hui à Getafe, dans la banlieue de Madrid, il s'attend, une nouvelle fois, à jouer le maintien dans une Liga qu'il connaît sur le bout des doigts. Et qu'il raconte à travers son expérience avant un derby face à l'Atlético.
La victoire de vendredi face à Málaga (1-0) a fait du bien aux têtes ?
On n'avait d'autre choix que de l'emporter. Après trois défaites en trois matchs, elle était impérative. Surtout que l'on se déplace ce mardi au Vicente-Calderón… Plus que de nous faire du bien, ce succès contre Málaga était vital. Mais il en faut plus. Nous avons seulement trois points après quatre journées, on reste dans le bas du classement… On ne va pas fanfaronner. Après, jouer l'Atlético au milieu d'une semaine à trois matchs, c'est sans doute le meilleur plan pour faire un coup.
Un Atlético de Madrid - Getafe, quelle importance cela a ?
Autant pour nous que pour eux, ce n'est pas le match de l'année. Depuis que Simeone est arrivé, on ne joue plus la même équipe, j'ai l'impression que c'est un autre club que j'affronte. Mais ça ne suffit pas pour en faire un derby. Getafe, ce n'est pas Madrid. La rivalité entre les deux clubs est celle que nous avons avec tous les pensionnaires de Liga. Quand on se déplace chez eux, c'est avant tout du plaisir. Celui d'évoluer dans un super stade, avec une ambiance folle.
Dans l'imaginaire commun, il n'existe aucune rivalité entre Getafe et un autre club, même de Madrid…
Getafe est un club beaucoup plus jeune que le Real, l'Atlético ou le Rayo. Je crois que ce n'est que la douzième saison du club en Liga, avant il n'avait jamais été à ce niveau. C'est trop peu de temps pour qu'une vraie réalité se crée. À la limite, c'est avec le Rayo que nous pourrions avoir la plus forte. D'une, parce que tous les matchs ne se terminent pas par des taules, et de deux parce que nous jouons à peu près le même championnat, celui du maintien. Pour qu'il y ait un derby, il faut aussi qu'il y ait des supporters. Ce qui n'est pas trop le cas de Getafe.
Le président de Getafe, Angel Torres, est connu pour être un socio du Real Madrid. Ce n'est pas étrange ?
Si, c'est vraiment bizarre. Pour nous, les joueurs, ça ne nous impacte pas trop. Mais dans la presse, il est extrêmement critiqué pour cela. Certains disent que lorsqu'on joue contre le Real, on leur offre six points sur un plateau. D'autres que Getafe est l'équipe réserve du Real. Pourtant, on a déjà réussi à les battre chez nous, hein. L'avantage pour le club, c'est que le président doit avoir de bonnes relations avec les dirigeants du Real. Lors des dernières saisons, on a accueilli pas mal de jeunes joueurs de chez eux et, à mon avis, les relations du président n'y sont pas étrangères.
De même, la saison passée, il s'est longuement opposé à Pedro Léon. Une affaire qui s'est réglée devant la justice. Cette situation a-t-elle vraiment pesé sur l'équipe ?
Le cas Pedro Léon, ce n'est que le premier d'une longue liste… L'an dernier, on a vécu une saison extrêmement galère. On a perdu deux coachs en pleine saison, on a vendu deux joueurs en Chine au même moment. Et puis l'histoire avec Pedro Léon a duré plusieurs mois. Il n'a reçu sa licence qu'à la mi-novembre alors qu'il est censé être notre meilleur joueur… Non, vraiment, ça a été une saison très compliquée à vivre pour l'équipe.
Toi-même, tu as connu de sérieux problèmes financiers lorsque le club ne pouvait pas te payer…
Dans tous les clubs où je suis passé, j'ai connu des problèmes de salaire. Je suis parti d'Alavés parce qu'il déposait le bilan. Le Racing de Santander a également déposé le bilan une saison après que je suis parti… Quand je suis arrivé en Espagne il y a de ça dix ans, presque tous les clubs ne réglaient pas leurs joueurs en temps et en heure. Il y avait toujours des arriérés, c'était comme une coutume locale.
Qu'est-ce qui a fait changer cette situation ?
Je pense que la création du syndicat des joueurs a été très importante. Avant, il n'y avait pas d'UNFP en Espagne. Personne ne défendait vraiment les joueurs. Désormais, l'AFE pèse dans les tractations avec la Ligue et les clubs. Ça peut aller des actions coup de poing, comme la grève qui avait eu lieu il y a trois ans, jusqu'à la mise en place d'un cadre légal. Aujourd'hui, il y a un contrôle très strict des finances des clubs. Par exemple, Getafe est aujourd'hui totalement à jour, alors que depuis mon arrivée, je n'avais jamais reçu mon salaire à temps. Si on regarde cinq ans en arrière, il n'y avait pratiquement pas un club qui payait ses joueurs dans les délais.
Tu entames ta cinquième saison à Getafe. Dans quel état se trouve-t-il après quelques saisons compliquées ?
À la reprise de cette saison, j'ai retrouvé un club bien plus apaisé qu'avant. L'arrivée de Fran Escriba n'y est pas étrangère. Je pense que le président lui a octroyé plus de pouvoir qu'à ses prédécesseurs. C'est tout con, mais il s'est battu pour que nous ayons un nouveau gymnase, qu'il y ait des travaux dans les vestiaires… Plus globalement, le club se modernise enfin. Par exemple, le club a enfin ouvert des comptes sur Facebook et Twitter. On devait être le seul club d'Europe à ne pas en avoir ! Le club donnait l'impression qu'il ne voulait pas progresser et c'est enfin en train de changer. Après, seul le terrain sera gage de réussite, mais c'est déjà un bon début.
Comment se passent ces premières semaines avec Fran Escriba ?
C'est un coach très tatillon, très perfectionniste. Il ne se limite pas au simple domaine sportif. Il fait très attention à notre récupération, il se bat pour améliorer les installations du club auprès du président… Il s'inscrit vraiment dans un projet et tente de structurer le club. Getafe a beau être en Liga depuis plus dix ans, il lui manque énormément de choses.
En parlant de ton arrivée en Espagne en 2005, elle a été rendue possible par un certain Ukrainien, Dimitri Piterman. Comment t'a-t-il fait débarquer au Deportivo Alavés ?
L'histoire est un peu abracadabrante. Dimitri Piterman était à l'époque le président d'Alavés. Il voulait trouver un point d'appui en France, un club de première ou de deuxième division qu'il pouvait acheter pour y faire jouer des jeunes joueurs d'Alavés. Il a alors commencé à s'intéresser à Valence. Mon agent de l'époque avait, lui, déjà réussi à placer l'un de mes coéquipiers à Alavés. À la fin de la saison, le club de Valence a déposé le bilan malgré notre montée de National en D2. Piterman n'a finalement pas racheté le club, mais est resté en contact avec mon agent qui m'a proposé au club. Sans faire d'essai, j'ai été recruté pour trois ans par un Alavés qui venait enfin de monter en Liga. Pour moi, c'était le rêve. Je ne savais pas où j'allais jouer ni dans quelle catégorie, et du jour au lendemain, on me propose de signer pour un club de Liga.
Comment se sont passés tes premiers mois en Espagne ?
Au début, je pensais avoir de la chance, car il y avait plein de joueurs francophones au club. Ça m'a permis d'avoir des repères, de ne pas me sentir trop seul au début. Au final, ça a plus retardé mon intégration qu'autre chose, car j'ai mis plus de temps à apprendre l'espagnol, à me faire des amis espagnols…
Après trois années à Vitória, tu pars pour le Racing Santander. Là-bas, tu réalises un de tes rêves en jouant en Coupe de l'UEFA au Parc des Princes…
Là encore, je me sens énormément chanceux… Parce qu'après la première saison en Liga avec Alavés, on descend en seconde division. Et même après deux saisons à l'échelle inférieure, le Racing me contacte pour que je signe chez eux. Ils ont même payé une indemnité de transfert, ce qui à l'époque était extrêmement rare pour un club comme le Racing. Le club avait fini sixième la saison précédente et jouait la Coupe de l'UEFA. Au tirage au sort, on est tombés sur un super groupe : PSG, Schalke, Manchester City et Twente. Quand je suis entré sur la pelouse du Parc, j'étais vraiment ému. J'ai repensé à ma jeunesse, à quand j'allais avec mon père au Parc des Princes…
Tu penses que tu aurais pu percer en France ?
Honnêtement, je pense que j'aurais pu percer en France. Des cas comme le mien, il y en a des dizaines et des dizaines. Mais avec le recul, je me dis que ça a sans doute été un mal pour un bien. En matière de qualité, je pense que j'aurais pu avoir ma place en Ligue 1.
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