Dossier

L’arbitre: Dr Bichari, admirateur de Frisk et amateur des sanctions avec le sourire

En 2011, il a failli être lynché au Caire sur instigation de Hossam Hassan

Auteur : jeudi 01 mai 2014 15:30

La finale de la Coupe d’Algérie 2014 est inédite, puisque jamais la JS Kabylie et le MC Alger ne s’étaient affrontés au stade suprême de cette compétition populaire. Même l’arbitrage de ce match sera «inédit», vu que Mohamed Bichari dirigera pour la première fois de sa carrière une finale de Coupe d’Algérie. Il était temps pour cet arbitre qui, ces dernières années, a raté le coche à plusieurs reprises, alors qu’il était souvent annoncé. Il est un peu à l’arbitrage algérien ce que Poulidor était au Tour de France de cyclisme : toujours placé, mais jamais vainqueur. Le médecin qu’il est s’est montré patient. Sans faire de bruit, ni ruer dans les brancards ; il a attendu son heure.

Adolescent, il jouait au foot au CRHD 

Pourtant, le parcours de Bichari dans l’arbitrage est loin d’être banal. Déjà, c’est «l’intello» de la corporation en Algérie, puisqu’il se trouve qu’il est médecin. C’est déjà intrigant qu’un professionnel du stéthoscope et du bistouri soit amateur de sifflet et de cartons. Pourtant, c’est avec un réel plaisir qu’il troque chaque week-end sa blouse blanche contre la tenue noire (pas tout le temps noire puisque les couleurs des tenues d’arbitres sont désormais variées). Comme la majorité des Algériens, c’est un mordu né du ballon rond et il a appris à taper dans un cuir au CRHD, le club des cheminots, au stade Aït-Saâda de Belouizdad. Ça a été un loisir très gérable pour le lycéen qu’il était, jusqu’à ce que ses études supérieures l’obligent à abandonner le football.

Sa mère a voulu qu’il soit médecin, son père l’a poussé vers l’arbitrage 

C’est que le jeune étudiant, Mohamed, était pris entre deux feux : une maman qui tenait absolument à ce qu’il devienne médecin et un papa qui voulait voire son fils dans le domaine du sport. Le père, ancien membre de la Ligue d’arbitrage d’Alger, a fini par trouver un moyen : il a proposé à son fils de suivre un stage d’arbitrage. Cela fut accepté et c’est en 1992 que Mohamed Bichari est entré dans le monde de l’arbitrage. Juste pour le plaisir au tout début et aussi pour se faire un peu d’argent de poche, car la maigre bourse d’étudiant qu’il touchait chaque trimestre ne suffisait pas à ses besoins et il n’était pas du genre à demander de l’argent à ses parents.

À cause des études, il avait refusé une promotion précoce comme arbitre régional

Cela lui convenait bien tant qu’il était arbitre de wilaya. C’est quoi des déplacements à Alger les week-ends ? Or, il avait tellement plu aux superviseurs que ces derniers ont voulu rapidement le promouvoir comme arbitre régional. En plus clair, il devait se déplacer dans les wilayas du centre du pays. Là, il n’a pas accepté. Etant dans une phase cruciale dans son cursus universitaire et vu que, à partir de la 4e année, il était astreint à assurer des gardes comme externe, il ne pouvait pas courir le risque de rater des modules, voire repasser une année, parce qu’il devait s’éloigner pour arbitrer des matches. Ce n’est qu’une fois qu’il était plus à l’aise dans les horaires des cours qu’il est passé arbitre régional.

 

Arbitre international depuis 2007, il fait peu parler de lui et c’est bon signe 

Puis, l’appétit venant en mangeant, Bichari a gravi les échelons un par un, jusqu’à devenir arbitre international il y a sept ans. Depuis quelques années, il est l’un des «habitués» du circuit. Il n’y a pas un stade abritant des matches des première et deuxième divisions où il n’a pas officié et pas un club de l’élite qu’il n’a pas arbitré, ne serait-ce qu’une fois dans sa carrière. Pourtant, on entend rarement parler de lui auprès du public. Logiquement, c’est bon signe : quand un arbitre passe inaperçu dans un match, et qu’on ne parle pas de lui, c’est qu’il a bien fait son travail. Il se trouve qu’il a dirigé plusieurs rencontres de la JSK et du MCA. Il avait même arbitré un match entre les deux équipes il y a quelques années à Tizi Ouzou et ça s’était très bien passé. Pour réussir, Bichari a une recette : la fermeté avec le sourire. En plus clair, se faire respecter tout en se montrant respectueux.

Il s’inspire des écoles d’arbitrage anglaise et italienne 

C’est que le bonhomme s’inspire de deux écoles d’arbitrage : l’Angleterre et l’Italie. Non pas qu’il laisse passer les tacles rudes comme le font les arbitres anglais ou qu’il ferme les yeux sur les tricheries comme en Italie, mais il est partisan de la communication dans un match comme cela se passe dans ces deux pays : avant de brandir un carton jaune ou rouge à un jour, il l’aborde avec le sourire et lui explique pourquoi il est sanctionné, histoire de montrer que la décision est motivée. Sanctionner avec le sourire, c’est une manière pour lui de dédramatiser la situation et de montrer aux acteurs du jeu qu’il s’agit simplement d’un match de football. D’ailleurs, il a toujours pensé que la violence n’a rien à voir dans un stade et que c’est aux acteurs du football de donner le bon exemple. Son idole, à ce titre, est l’ancien arbitre suédois, Anders Frisk, qui avait mis un terme à sa carrière après des menaces de mort que sa famille et lui avaient reçues sur instigation de… José Mourinho.

En Régionale, il avait réduit une épaule luxée en plein match 

S’il y a des joueurs qui apprécient cette façon de faire, il y en a d’autres qui préfèrent éviter Bichari. Il s’agit surtout des tricheurs et «plongeurs» qui redoutent l’œil du médecin qu’il est. Se rouler par terre et se tordre de douleur en simulant une blessure, on ne la fait pas à Docteur Bichari ! Fort de sa fonction dans la vie, l’arbitre sait reconnaître quand une blessure est sérieuse et quand elle est simulée. Plus même : il lui est même arrivé de redevenir médecin sur le terrain lorsque le besoin s’est fait ressentir. Une fois, dans un match de la Régionale, il avait réduit sur le terrain l’épaule d’un joueur victime d’une luxation. Il s’était même permis de conseiller à l’entraîneur, qui voulait que son joueur termine le match, de le faire remplacer.

Pour avoir empêché Zidane et Hadjadj d’avaler leurs langues, il a été… suspendu 

Une autre fois, cela lui avait coûté cher. En effet, au cours d’un match entre le MC Oran et le CS Constantine joué à Oran, Mohamed Zidane et Fodil Hadjadj s’étaient «télescopés» dans un duel aérien et étaient retombés sur la tête. Le médecin, Bichari, conscient des risques d’un traumatisme crânien, avait arrêté la partie et s’était précipité sur les deux joueurs pour les empêcher d’avaler leurs langues et les mettre dans une position sur le côté afin de faciliter leur respiration. À la fin du match, les joueurs, entraîneurs et dirigeants des deux équipes sont allés le voir à son vestiaire pour le remercier. Or, l’inspecteur délégué pour noter les arbitres n’était pas du même avis. Dans le rapport qu’il avait envoyé, il l’a accablé en disant que «M. Bichari s’est pris pour un médecin». L’arbitre, outré, lui avait répondu par e-mail qu’il ne s’était pas pris pour un médecin et qu’il ETAIT VRAIMENT MÉDECIN, prenant soin d’envoyer aussi une copie de son diplôme. Peine perdue : la Commission fédérale l’avait suspendu pour un mois et demi. Pourtant, l’article 1 de la loi FIFA sur l’arbitrage mentionne clairement que les arbitres sont tenus de protéger les joueurs.

 

En 2011, il a failli être lynché au Caire sur instigation de Hossam Hassan

Toujours est-il que Mohamed Bichari ne se laisse pas facilement impressionner, surtout pas au niveau international, l’épisode du Caire en 2011 faisant foi. C’était à l’occasion d’un match des éliminatoires de la Ligue des champions africaines entre Zamalek et le Club africain. L’équipe tunisienne avait gagné à l’aller (3-1) et les Egyptiens devaient renverser la vapeur. À quelques instants de la fin du temps réglementaire, alors que le Zamalek menait 2 à 1, il a inscrit un troisième but, synonyme de recours aux tirs au but. Or, l’assistant de Bichari, Benarous, a signalé fort justement une position de hors-jeu. Il s’en était suivi un envahissement de terrain et des intimidations envers les arbitres algériens, surtout de la part de Hossam Hassan, entraîneur du Zamalek, mais Bichari n’a pas validé le but. Dans la soirée, des officiels de la Fédération égyptienne de football et même le ministre des Sports de l’époque ont présenté, via les télévisions, leurs excuses aux arbitres et à tout le peuple algérien, car les images vidéo avaient confirmé que quatre joueurs du Zamalek étaient en position de hors-jeu. C’était un moment de fierté pour Bichari.

 

Réussir la finale serait une porte pour faire sa première CAN 

Ce jeudi, la fierté sera encore au rendez-vous. Assisté de Mokrane Gourari et Bouabdallah Omari, Mohamed Bichari arbitrera la finale JSK-MCA. En cette occasion, il a tenu à ce que son père, celui-là même qui l’avait poussé à faire de l’arbitrage, soit présent ; car, ce moment, il le lui doit à lui d’abord. Âgé de 43 ans et demi (il est né le 18 décembre 1970), il lui reste encore un an et demi dans sa carrière internationale. Peut-être qu’il pourra terminer sa carrière par une participation à la CAN-2015. Djamel Haïmoudi ayant annoncé qu’il prendrait sa retraite après le Mondial, la voie est ouverte pour Bichari. À condition de ne pas se louper cet après-midi. Pour lui, c’est le vrai enjeu. La «coupe» à gagner pour pouvoir passer à une compétition supérieure. Docteur Bichari peut le certifier à l’arbitre Bichari : un geste peut sauver une vie… comme il peut la faire perdre.

Publié dans : algerie arbitre Bichari

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